• Mex DWN (3)

    Chapitre 3

  • La porte s'ouvrit et la jeune femme se retrouva nez à nez avec la figure d'un homme à la carrure imposante. Les quelques secondes de silence durant lesquelles leur échange de regard dura ne lui permit pas de discerner le moindre signe explicite pouvant plus ou moins prouver l'appartenance de cet énergumène à sa famille proche. Néanmoins, elle réprima son envie de lui claquer la porte au nez.

    Comme autrefois, il avait les cheveux et les yeux sombres, et un air légèrement plus âgé qu'elle, bien qu'elle soit consciente du fait qu'à présent, sa barbe de trois jours et les poches sous ses yeux contribuent à lui donner l'air d'autant plus vieux.

    « Salut Tash'. » Lança-t-il d'une voix rauque et monotone.


  • Tash'... Évidemment, il fallait qu'il l'appelle Tash'. Elle leva instinctivement les yeux au ciel, mais décida néanmoins de ne pas relever pour cette fois-ci. Si ce que sa mère lui avait dit était vrai, elle aurait sans doute beaucoup d'occasions de le reprendre sur ce fait.

    « Salut Arthur... soupira-t-elle. Et ben... entre, j'imagine. »

    Elle s'éloigna pour lui laisser le passage. Ce fut à ce moment précis qu'elle remarqua que son appartement était resté plongé dans la pénombre depuis son arrivée. Elle s'empressa d'appuyer sur l'interrupteur. La grande pièce s'illumina.


  • Il ramassa son sac et s'engouffra dans l'espace qu'elle lui avait laissé. Une fois qu'il eut passé l'encadrement de la porte, il s'immobilisa.

    « Bel appart'.

    - Mmm... merci.

    - Où est-ce que je me met ? »

    Ce fut au tour de Tasha de s'immobiliser. Prise de court, elle balbutia

    « En fait... disons que j'ai été prévenue au dernier moment... donc... pour ce qui est de préparer un lit... enfin de toute manière je n'ai qu'un lit, et c'est le mien ! » s'empressa-t-elle d'ajouter.

    Nouveau silence pesant.


  • « Tu sais, commença-t-il en se tournant vers elle, pour le moment je peux dormir sur le canapé, c'est pas un problème.

    - Alors là je te le déconseille... Il est extrêmement pas confortable. Et plein de griffures, à cause du chat. Bon, tu sais quoi ? ... » Elle s'avança jusqu'à l'autre bout du salon, face à la fenêtre.

    « Tu vas dormir ici. Je pense que c'est la meilleure solution. Désolée de te faire dormir par terre (et si proche des affaires du chat) mais on a pas vraiment le choix pour le moment. Je vais te chercher un duvet.

    - C'est toujours mieux que dormir sous un pont... » Déclara-t-il avec une nonchalance qui la mit mal à l'aise.


  • Elle ressortit de la salle de bain quelques minutes plus tard, chargée d'un sac de couchage qu'elle déplia le long de la fenêtre. Lorsqu'elle releva la tête, elle aperçut Arthur, penché avec attention au dessus du cache-pot.

    « C'est un plant de quoi ? demanda-t-il

    - De basilic. Tu t'intéresses aux plantes ? »

    Suite à cette question, il se tourna vers elle, un demi-sourire aux lèvres.

    « Seulement à un certain type de plantes... »


  • Elle fut soudainement prise d'une irrépressible envie de lui décrocher une réplique bien cinglante, mais parvint à s'abstenir. Au lieu de ça, elle choisit de couper court à la conversation.

    « Excuse-moi une minute... »

    Elle revint sur ses pas et retourna dans la salle de bains. Elle ouvrit le placard sous l'évier et en sortit un paquet de croquettes à peine entamé qu'elle s'empressa de secouer, s'attendant à être assaillie par une boule de poils affamée d'un instant à l'autre.

    ... mais rien ne se produisit.


  • Prise d'un doute, elle se pencha dans l’entrebâillement de la porte.

    « Ne me dis pas que... »

    Ce qu'elle vit la figea sur place.

    La porte de l'appartement était restée grande ouverte.


  • « Oh non non non ! POUCE ! VIENS ICI !

    - Woah, on se calme ! Pourquoi tu cries d'un coup ?

    - C'est Pouce ! Le chat ! On a laissé la porte grande ouverte et à tous les coups IL VIENT DE SE FAIRE LA MALLE !

    - Hey, relax d'accord ? T'as déjà vu un chat prendre l'ascenseur ? » Relativisa-t-il, le sourire aux lèvres.

    Cette fois-ci, la jeune femme ne put se retenir d'exploser.

    « C'QUE T'AS PAS COMPRIS C'EST QUE LA PORTE DES ESCALIERS EST BOUSILLÉE ! ELLE RESTE ENTROUVERTE EN PERMANENCE ! ET MON CHAT VIENT DE SE VOLATILISER ! PFSHUIT ! CAPUT ! A PU ! HASTA LA VISTA ! BORDEL DE MERDE ! »

    Arthur voulut répondre mais se ravisa. A la place, il se passa lentement la main sur le visage afin de cacher son expression faciale à cheval entre la moue compatissante et l'éclat de rire tout juste contenu.

    « Okay, finit-il par lancer, chill cousine. On verra ça demain.

    - NAN MAIS T'AS CRAQUÉ TON SLIP OU QUOI ?! JE VAIS LE CHERCHER ! TOI TU RESTES LA ! ET PAS DE CONNERIES ! »

    * oui oui la porte s'est refermée entre temps... un courant d'air. Vive le réalisme.


  • Sur ces paroles, elle sortit en claquant la porte derrière elle et dévala les escaliers jusqu'au rez de chaussée, en prenant soin de réitérer son appel à chaque étage juste au cas où.

    « POUCE ! Mais bon sang ! Ne me dites pas qu'il a réussi à sortir de l'immeuble ! POUUUUCE ! »


  • Une fois à l'extérieur, elle courut plusieurs minutes sous une pluie battante, puis s'arrêta soudainement, tétanisée par la vision qu'offraient tous ces immeubles immenses et toutes ces grandes routes glissantes parsemées de voitures en mouvement. Comment pouvait-elle seulement espérer retrouver son petit chaton dans un tel labyrinthe urbain ?

    A présent totalement immobile au milieu du trottoir dégoulinant, elle se sentait au bord de l'hystérie. Son diaphragme se contractait tout seul sous la pression d'un rire nerveux, et elle ne cessait de répéter :

    « Bon sang, qu'est-ce que je vais faire ? Comment je vais faire ? Pourquoi ça n'arrive qu'à moi ? ... »


Carrot